Colchicine: Communiqué pompeux et malheureusement trompeur
Ce 22 janvier, l’Institut de Cardiologie de Montréal publiait un communiqué de presse sur les résultats de l’essai clinique “COLCORONA” portant sur l’utilisation de la colchicine pour traiter le COVID-19 en ambulatoire.
See English version. A noter que le preprint a été publié le 27 Janvier: https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.01.26.21250494v1
D’après wikipédia, la colchicine est un alcaloïde tricyclique très toxique, extrait au départ des colchiques (plantes du genre Colchicum), principalement le colchique d’automne. (photo)
Il s’agit d’un agent connu depuis plus de 20 siècles, puisque “l’extrait de colchique est décrit comme traitement de la goutte dans De Materia Medica de Pedanius Dioscoride (publié entre l’an 50 et 70 de notre ère).”
Le communiqué prétend que “la colchicine est le seul médicament oral efficace pour traiter les patients non-hospitalisés.”
Merci de relire avec attention: il s’agirait du “seul médicament oral efficace” en ambulatoire!
Qui plus est, selon les chercheurs cet institut, il s’agit d’une première mondiale. Jamais avant, sur toute la planète, un médicament administré par voie orale n’aurait montré la moindre utilité pour soigner le COVID-19. (ou la COVID-19 comme cela se dit au Québec).
« Nous sommes heureux d’offrir le premier médicament oral au monde dont l’utilisation pourrait avoir une incidence importante sur la santé publique et potentiellement prévenir les complications de la COVID-19 chez des millions de patients,» prétend le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du Centre de recherche de l’ICM, professeur de médecine à l’Université de Montréal et chercheur principal de l’étude COLCORONA.
Les résultats ne peuvent être trouvés ni sur le site de l’essai clinique, ni sur la page de l’essai sur clinicaltrials.gov — https://www.clinicaltrials.gov/ct2/show/results/NCT04322682?view=results donc il n’est pas possible d’analyser l’étude à ce stade.
Toutefois, les prétentions des auteurs de l’étude semblent incroyablement exagérées.
Tout d’abord, la colchicine a déjà fait l’objet de plusieurs études, comme en témoigne cette méta-analyse.
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1109966620302852
Ensuite, on sait aujourd’hui que plusieurs agents thérapeutiques, administrés en ambulatoire, permettent de réduire les risques d’hospitalisation et de décès, comme en témoigne notamment le Professeur McCullough et 56 autres auteurs, dont plusieurs de renommée mondiale, dans l’article “Multifaceted highly targeted sequential multidrug treatment of early ambulatory high-risk SARS-CoV-2 infection (COVID-19).”

Les preuves d’efficacité de molécules telles que l’hydroxychloroquine et l’ivermectine, en association avec des molécules telles que l’azithromycine, la doxycycline et le sulfate de zinc, sont nombreuses. Et les résultats sont déjà démontrés, notamment avec des études démontrant une réduction du besoin d’hospitalisation de 80% ou plus.
Mais que nous disent les chercheurs montréalais? Que tout cela ne serait pas scientifique, et que seule leur propre étude aurait identifié un agent thérapeutique efficace en ambulatoire.
Le communiqué de presse indique que “les résultats de l’étude ont démontré que la colchicine a réduit de 21% le risque de décès ou d’hospitalisations chez les patients atteints de COVID-19 comparativement au placébo.”
C’est une réduction bien entendu, mais très modeste par rapport aux 80% et plus observés dans les études portant sur les pratiques ambulatoires des Dr Brian Procter et Zev Zelenko.

L’étude montréalaise porte sur un nombre impressionnant de 4 488 patients, principalement au Québec.
Assez étonnant dans ce contexte que cette baisse de 21% du risque de décès ou d’hospitalisation “approchait la signification statistique” selon le communiqué de presse. (souligné par l’auteur)
Approcher la signification statistique n’est pas l’atteindre!
Le communiqué mentionne ensuite des résultats significatifs pour un sous-ensemble de 4 159 patients, où le risque de décès aurait alors été réduit de 44%, ce qui parait difficilement compatible avec la baisse de 21% sus-mentionnée.
Sans accès aux résultats détaillés de l’étude, il n’est guère possible de tirer d’autres conclusions que de suggérer la plus grande prudence concernant ce communiqué et cette étude.
L’extrêmement bien informé “Covid19Crusher” sur Twitter n’était pas tendre pour l’Institut de cardiologie de Montréal:
“Pathétiquement, et de façon outrageuse, il prétend faussement que la colchicine est le seul médicament effectif pour les patients ambulatoires.”
Alors que le repositionnement des molécules est pratiqué depuis février 2020 pour soigner le COVID-19, le communiqué poursuit avec une autre déclaration pompeuse:
“Notre programme de recherche innovateur prouve aussi que le Centre de recherche de l’Institut de Cardiologie de Montréal sait faire des percées scientifiques rapidement et de manière économiquement viable pour les patients en repositionnant des médicaments déjà existants.”
Si le communiqué datait du 22 Janvier 2020, on crierait bravo. Le problème, c’est qu’il date du 22 Janvier 2021.
Une mauvaise langue a même écrit sur Twitter que cet essai clinique lui paraissait vraiment … tardif … 🙂
Ce n’est bien sûr pas le genre de “rapidité” qu’il convient d’adopter en temps de pandémie, surtout dans une province et un pays pratiquant le nihilisme médical, avec aucun traitement des malades du COVID-19 avant hospitalisation.
A noter que la colchicine figure déjà dans l’algorithme de traitement ambulatoire pour le COVID-19, publié par le Professeur McCullough et 56 autres auteurs.

Oui, les modalités pratiques du traitement ambulatoire sont déjà très bien connues pour le COVID-19, et cette contribution québécoise et canadienne est totalement en retard par rapport à ce qui se fait de mieux en la matière.
Malgré ses faiblesses manifestes, le communiqué a amené des articles assez élogieux, comme d’habitude très peu analytiques, dans les médias. Comme il s’agit d’une étude locale, les journalistes au Québec et au Canada crient bravo.
Le populaire Journal de Montréal permettait ainsi au Professeur Tardif d’en remettre: “Il fallait alerter la planète rapidement” a-t-il ainsi déclaré, rien de moins.
La pandémie nous a malheureusement appris qu’il reste en réalité peu de véritables journalistes, capables d’analyse, dans les médias.
Déjà, il y a des signes que le peuple du Québec veut sa colchicine, alors même que ce n’est pas un traitement effectif, si l’on s’en fie au résultat non-significatif de l’étude relativement à la baisse de l’hospitalisation et des décès de 21%! Et ne l’oublions pas, cette baisse représente moins d’un quart de ce qui est obtenu avec d’autres thérapies ambulatoires!
Une question pertinente en relation avec cette étude est si elle aiderait à remettre en question le nihilisme thérapeutique pratiqué par le Québec et le Canada, qui refusent le traitement ambulatoire à la population, y compris dans les résidences pour aînés, où des milliers d’innocents ont laissé leur vie, non soignés, où environ 80% des décès sont survenus, souvent dans des conditions effroyables.
Si l’étude contribue à abandonner ce nihilisme thérapeutique, ce sera une bonne chose. Mieux vaut tard que jamais. Il conviendra toutefois de faire comprendre aux autorités que ce sont les traitements multi-médicaments, séquencés dans le temps, qu’il faut introduire rapidement comme thérapies à prendre à la maison, et non un agent isolé tel que la colchicine.
Communiqué de l’Institut de cardiologie de Montréal
La colchicine réduit le risque de complications liées à la COVID-19
Les résultats positifs de l’étude COLCORONA montrent que la colchicine est le seul médicament oral efficace pour traiter les patients non-hospitalisés
MONTRÉAL, 22 janv. 2021 (GLOBE NEWSWIRE) — L’Institut de Cardiologie de Montréal (ICM) annonce aujourd’hui que l’étude clinique COLCORONA a fourni des résultats cliniquement convaincants de l’efficacité de la colchicine pour traiter la COVID-19. Les résultats de l’étude ont démontré que la colchicine a réduit de 21% le risque de décès ou d’hospitalisations chez les patients atteints de COVID-19 comparativement au placébo. Ce résultat obtenu pour l’ensemble des 4 488 patients de l’étude approchait la signification statistique. L’analyse des 4 159 patients dont le diagnostic de COVID-19 était prouvé par un test naso-pharyngé (PCR) a montré que la colchicine réduisait de façon statistiquement significative le risque de décès ou d’hospitalisations comparativement au placébo. Chez ces patients avec diagnostic prouvé de COVID-19, la colchicine a entraîné des réductions des hospitalisations de 25%, du besoin de ventilation mécanique de 50%, et des décès de 44%. Cette découverte scientifique majeure fait de la colchicine le premier médicament oral au monde qui pourrait traiter les patients en phase pré-hospitalière.
« Notre étude a montré l’efficacité du traitement utilisant la colchicine pour prévenir le phénomène de «tempête inflammatoire majeure» et réduire les complications liées à la COVID-19 », déclare le Dr Jean-Claude Tardif, directeur du Centre de recherche de l’ICM, professeur de médecine à l’Université de Montréal et chercheur principal de l’étude COLCORONA. « Nous sommes heureux d’offrir le premier médicament oral au monde dont l’utilisation pourrait avoir une incidence importante sur la santé publique et potentiellement prévenir les complications de la COVID-19 chez des millions de patients.»
Traiter les patients à risque de complications avec la colchicine dès la confirmation du diagnostic de COVID-19 par PCR permet de réduire leur risque de développer une forme grave de la maladie et conséquemment diminuer le nombre d’hospitalisations. La prescription de la colchicine aux patients pourrait contribuer à atténuer les problèmes d’engorgement des hôpitaux et de réduire les coûts liés aux systèmes de santé des gouvernements d’ici comme ailleurs.
« Notre programme de recherche innovateur prouve aussi que le Centre de recherche de l’Institut de Cardiologie de Montréal sait faire des percées scientifiques rapidement et de manière économiquement viable pour les patients en repositionnant des médicaments déjà existants », poursuit Dr Jean-Claude Tardif. « La colchicine est un puissant anti-inflammatoire avec un bon profil de sécurité déjà utilisé pour le traitement de la goutte » a affirmé le Dr Guy Boivin, microbiologiste-infectiologue au CHU de Québec et co-investigateur de l’étude.
COLCORONA est une étude clinique «sans contact» qui se déroulait à la maison, randomisée, à double insu et contrôlée par placébo. Elle a été déployée au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud ainsi qu’en Afrique du Sud. Elle visait à déterminer si la colchicine pouvait réduire les risques de complications sévères liées à la COVID-19. COLCORONA a été menée auprès d’environ 4 500 patients atteints de la COVID-19 n’étant pas hospitalisés au moment de l’inclusion, avec au moins un facteur de risque de complications de la COVID-19. Il s’agit de la plus grande étude à l’échelle mondiale testant un médicament administré oralement chez les patients non-hospitalisés avec la COVID-19.
COLCORONA a été coordonnée par le Centre de Coordination des Essais Cliniques de Montréal (MHICC) de l’Institut de Cardiologie de Montréal, financée par le Gouvernement du Québec, le National Heart, Lung, and Blood Institute des National Institutes of Health (NIH) américains, la philanthrope montréalaise Sophie Desmarais ainsi que le COVID-19 Therapeutics Accelerator, une initiative lancée par la Bill & Melinda Gates Foundation, Wellcome et Mastercard. Les sociétés CGI, Dacima et Pharmascience de Montréal étaient également collaboratrices de l’étude.
L’Institut de Cardiologie de Montréal et ses partenaires mondiaux tiennent à remercier chaleureusement les participants ainsi que les chercheurs pour leur collaboration à l’étude clinique COLCORONA.
Pour plus d’information, visitez fr.colcorona.net.